Une résolution historique des Nations Unies pour réglementer les prestataires d’éducation et soutenir l’école publique

Les États doivent « réglementer et superviser les activités des prestataires de services d’éducation » et « investir dans l’éducation publique », a exhorté le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies dans une résolution historique rendue publique le 1er juillet courant.
Adoptée lors de la 32e session du Conseil des droits de l’homme (du 13 juin au 1er juillet 2016), la résolution exhorte tous les États à « corriger toute incidence négative de la commercialisation de l’éducation », en particulier par la mise en place d’un cadre réglementaire afin de réguler et de superviser les prestataires de services d’éducation, en demandant des comptes à ceux dont les pratiques entravent la jouissance du droit à l’éducation, et en appuyant les activités de recherche.
« D’autres organes de protection des droits de l’homme au sein des Nations Unies, tels que le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’éducation et les organes de contrôle des Nations Unies ont déjà fait part de leurs fortes préoccupations concernant l’expansion explosive et non réglementée du rôle des acteurs privés dans l’enseignement. Cette résolution ajoute une forte dimension politique, qui ne laisse plus de place au doute : les États ont l’obligation en termes de droits humains de réglementer adéquatement les acteurs privés et de résister à la commercialisation de l’éducation », a indiqué Delphine Dorsi, coordinatrice du projet Droit à l’éducation.
Cette résolution fait suite à une précédente résolution juin 2015 qui traite des mêmes enjeux.
Sylvain Aubry, de l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels, a fait le commentaire suivant : «Cette résolution constitue une avancée majeure, car elle reconnait sans aucune ambiguïté que la commercialisation de l’éducation soulève des préoccupations graves en termes de droits humains, qui doivent être traitées activement et de toute urgence. »
Selon Javier González, un chercheur chilien au Centre d’études du développement de l’Université de Cambridge, cette résolution « est également cruciale pour la communauté universitaire. Elle nous exhorte à se concentrer et d’accroître nos efforts de recherche sur la transformation sociale critique que représente la privatisation et la commercialisation dans l’éducation, qui met les droits humains fondamentaux à risque ».
Dans une démarche sans précédent, la résolution exhorte également les États à reconnaitre « qu’il importe au plus haut point d’investir dans l’éducation publique en utilisant au maximum les ressources disponibles » et à « accroître et améliorer le financement national et étranger de l’éducation » afin de contribuer « au bien public qu’est l’éducation ».
Camilla Croso, la présidente de la Campagne mondiale pour l’éducation, a souligné que « la Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives mondiales, qui est en train de finaliser ses recommandations au Secrétaire Général de l’ONU, doit tenir compte des obligations juridiques des États à mettre en œuvre le droit à l’éducation, telles que le Conseil des droits humains les a rappelées. Les États doivent accroître le financement national et international de l’éducation publique ; toute solution de financement qui porterait atteinte à la notion d’éducation en tant que bien public irait à l’encontre du droit international des droits de l’Homme, et serait contraire à la présente résolution. »
Silvia Alonso, coordinatrice du réseau Défense civile dans l’éducation, le membre mexicain de la Campagne latino-américaine pour le droit à l’éducation, a déclaré : « Cette nouvelle résolution est extrêmement importante car elle souligne les engagements et les obligations des États à renforcer les systèmes d’éducation public, notamment dans le cadre du phénomène croissant de la privatisation de l’éducation publique, qui est dans de nombreux cas cachée.»
La résolution a été adoptée par consensus des 47 États membres du CDH, ce qui souligne la force du soutien à la résolution.
«Les bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale et le Royaume-Uni, qui ont financé des prestataires d’enseignement commerciaux dans les pays pauvres, doivent écouter le Conseil des droits de l’homme et mettre fin à ces pratiques néfastes », a conclu Carole Coupez, de Solidarité Laïque, une organisation qui est un membre éminent de la Coalition Éducation française et qui œuvre dans le cadre du réseau francophone contre la commercialisation de l’éducation.