APPLICABILITE DE LA LOI D’ORIENTATION du système éducatif mauritanien 2022
Par M. Mbaye Mamadou,
Secrétaire Général Adjoint de COMEDUC
Au terme de la présentation des deux premiers points (les objectifs et les enjeux) de la loi, nous allons aborder le troisième point non des moindres. A savoir L’applicabilité de la loi d’orientation.
CE point constitue la pièce maîtresse pour Le bon déroulement du système éducatif.
Comme son nom l’indique, la loi d’orientation ne doit contenir que les grandes orientations du système qui seront précisées et/ou explicitées par des décrets d’applications.
L’applicabilité de la loi requiert au moins la satisfaction de trois conditions : 1. L’officialisation des langues nationales ; 2.LES MESURES de mise en œuvre ; 3. Les mesures d’accompagnement.
Une telle loi pour réussir doit baigner dans un contexte général viable qui peut se traduire par la réhabilitation des langues nationales afin que celles-ci jouent véritablement leur de véhicule de culture et de moyen de promotion sociale. Pour cela, il est nécessaire que la loi fondamentale officialise toutes les langues nationales en faisant d’elles des langues de travail. IL faut souligner que toutes les réformes jusqu’ici ont souffert d’insuffisances voire de vide juridique qui ont occasionné des aberrations (généralisations hâtives, interprétations abusives, manque de contrôle et de bilan et de prises de décisions arbitraires ( cas de l’ expérimentation de l’ ex ILN en 1979 etc.) qu’il convient de combler par un acte juridique qui détermine les différentes phases de l’ application de l’ évolution de la réforme du système éducatif , de son contrôle et de son suivi .
C’est en cela qu’il faut reconnaître le bien fondé et l’opportunité de la loi d’orientation, pour donner à l’intervention des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation un caractère juridique contraignant.
IL est vrai que cette loi est une première dans notre pays et elle renferme des points positifs mais il n’en demeure pas moins qu’elle gagnerait à être clarifier sur certains de ses articles (art 65), en compléter d’autres (art 55 et 56) et même en supprimer (l’expérimentation, l’évaluation) pour faciliter son applicabilité. Donc, que l’arbre ne nous cache pas la forêt de problèmes.
Pour les articles 55 et 56, il s’agit d’ y ajouter que l’ alphabétisation se fait dans les langues nationales et autoriser par une circulaire l’ utilisation des salles de classes par les associations culturelles pour créer un environnement lettré .Quant à l’ article 65 ,il ya tout et son contraire .
En dépit des insuffisances et des contradictions soulevées plus haut, maintenant venons en au point de notre communication : l’applicabilité de loi d’orientation.
Pour ce faire, nous allons proposer des recommandations pour faciliter l’applicabilité de la loi.
I /EN AMONT.
*Mettre en place une structure qui jouit d’ une grande autonomie en précisant sa relation avec le MENRSE et l’enseignement supérieur. il s’agit d’ une structure à vocation pédagogique( conception de matériels didactiques , formation des enseignants et des formateurs )et de recherche ( développement des langues nationales à travers les recherches sur l’ harmonisation , la linguistique , la sociolinguistique , la didactique , la terminologie , les sciences exactes et humaines .Etc.
*Poursuivre la démarche engagée par le MENRSE : concertations avec tous les acteurs autour des problèmes de l’éducation ;
*Procéder avant tout aux corrections des insuffisances révélées –et d’autres éventuellement –et produire des décrets d’application adéquats et suffisants pour bien encadrer l’applicabilité de la loi. *ORGANISER UNE VASTE CAMPAGNE DE SENSIBILISATION SUR L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES NATIONALES SUR TOUT LE TERRITOIRE NATIONAL : démarrage officiel par le chef de l’état par exemple en MARS 2023 ;
Ii/Période de préparation / implantation de deux ans : 2022-2023 ; 2023-2024 à la place de l’expérimentation pour ne pas refaire un travail déjà réalisé et réussi : expérimentation de l’Institut des Langues Nationales.
*Sensibiliser les directeurs régionaux de l’éducation sur l’enseignement des langues nationales ;
*Organiser des modules de formations au profit des encadreurs pédagogiques (inspecteurs, conseillers pédagogiques, directeurs d’écoles) en situation de besoin ;
*Découvrir les possibilités des enseignants dans les langues nationales : enquêtes pour découvrir les enseignants déjà initiés ou non dans les langues nationales, ou même ayant servis à l’ex L’ILN ;
*. Identifier les personnes formées par les associations culturelles ;
*Identifier les besoins de formations ;
*. Organiser des modules de formations pédagogiques et didactiques des produits issus des associations pour leur recrutement en cas de besoin ;
*Mener des enquêtes sociodémographiques pour identifier les sites de chacune des langues selon leurs fréquences et /ou utilisation ( déterminer L1 ; L2 ) ;
*Distribuer les enseignants comme il se doit : s’appuyer sur les associations culturelles en cas de besoin ;
*Identifier les personnes aptes à concevoir les manuels nécessaires ;
*Concevoir les manuels et les matériels didactiques ;
*. Améliorer la gestion des ressources humaines ;
*. Améliorer la carte scolaire ;
*. Formation des enseignants (initiale ; continue ; continuée) : introduire l’enseignement des langues nationales dans les établissements d’enseignements, les centres, les écoles de formations et les universités (ex. L’ENAJM) L’applicabilité de toute réforme du système éducatif se veut progressive et respectueuse des étapes de construction d’un curriculum. Pour ce faire, il importe d’adopter une planification rigoureuse dont les étapes sont les suivantes –entre autres – :
*La formation des enseignants
*le choix des méthodologies et des modalités d’enseignement
*L’identification des sites linguistiques à travers des enquêtes démographiques
*La rédaction des syllabus de cours
*La préparation du matériel d’enseignement et d’apprentissage
* Le contrôle de qualité ou du bilan général
*. METTRE sur pied une commission de réforme qui ne soit pas circonstancielle mais permanente qui :
*conçoit
*anticipe
*accompagne
*évalue
*remédie
III/PENDANT /AU COURS de l’applicabilité de la loi.
Pour ne pas refaire le chemin déjà parcouru, il faut :
1 .Capitaliser l’expérience réussie de l’ex ILN en menant toutes les investigations (sur le legs de l’ILN) au niveau du département des langues à l’université ;
L’expérience réussie de l’ex ILN rend caduque les parties expérimentation et évaluation dans la loi au niveau du fondamental ; par contre on peut expérimenter et évaluer au secondaire.
2. Clarifier le statut de chacune des langues parce qu’ au niveau de l’ article 65 tout est confus ( dans cet article il est écrit que : « chaque enfant fait tous ses apprentissages dans sa langue maternelle « et après :par le biais des décrets d’ application en précisant que la langues Arabe est langue de communication tout court pour les enfants dont l’ arabe n’est pas langue maternelle . Les enfants ne peuvent pas avoir deux langues d’enseignement à la fois.
POUR plus de clarté et de précision dans la mise en œuvre, conserver uniquement le premier paragraphe de l’article 65 et supprimer tout le reste.
A la lumière de tout ce qui précède , l’ applicabilité de la loi d’ orientation repose essentiellement sur :i/l’ officialisation des langues nationales ;ii/révision de l’ article 65 comme indiqué ci-dessus ; iii/ fixer les modalités d’ application par voies réglementaires (décrets d’ applications ).
POUR terminer, nous disons avec certitude que la loi n’est pas le coran. C’est dire que l’on peut bel et bien la revoir pour réussir enfin notre système éducatif, loin des tâtonnements.
L’option prise, à savoir enseigner dans les langues maternelles des apprenants est, la seule et unique voie pour redresser toutes les tares du système et asseoir une éducation de qualité conforme à L’ ODD4.
MERCI POUR VOTRE ATTENTION